Portrait Memento de Pauline

{ Portrait de Pauline }

Portrait réalisé en mai 2020 à l'occasion d'un atelier avec la Maison des Ados de Strasbourg.

#maisondesados #strasbourg #projetmemento

{ Colère }

POURQUOI AI-JE CHOISI LE MOT "Colère " ?

La colère est le sentiment qui m’a traversée et animée durant tout le confinement et qui perdure encore aujourd’hui. Colère face aux annonces et à leurs irrégularités, leurs incohérences. La gestion des masques en est l’exemple le plus criant et cela se voit encore des mois plus tard. Colère face à l’absence de politique sociale globale durant le confinement. Hausse des violences de toutes sortes : violences au domicile, violences faites aux femmes, aux enfants, absence de solutions d’urgence pour les personnes à la rue, services psychiatriques à bout de souffle, services ambulatoires à l’arrêt forcé, situation des migrants en urgence absolue, etc, etc. Je suis éducatrice spécialisée et je pleurais de colère, chez moi, en découvrant, chaque jour, que les institutions publiques ne répondaient plus de leur obligation de continuité de service. Bien sûr, tout le monde avait peur. Bien sûr, tout le monde craignait pour soi et pour ses proches. J’ai eu peur et j’ai encore peur. Mais comment se regarder dans le miroir quand les seuls liens avec les personnes accompagnées se passaient par téléphone, par message ou mieux en visio ? Comment dire : j’entends votre souffrance mais je n’ai aucune solution ? Colère parce que la population a été infantilisée, traquée, verbalisée, autorisée à sortir une heure quotidiennement… et que les questions, pourtant essentielles, n’ont pas été posées : est-ce supportable quand on est pauvre? Est-ce supportable quand on souffre d’une addiction ? Quand on est en danger chez soi ? Quand on a besoin d’un traitement, d’une contraception d’urgence, de déposer plainte, de manger ? Colère parce qu’il y n’a pas eu de coordination et de solidarité officielles. Ce sont les individualités, les collectifs, les militants associatifs qui ont pallié ces manques. Cette situation est la conclusion de décennies de politiques libérales, capitalistes où la rentabilité est la seule valeur acceptable. Il a fallu devenir rentable là où on accompagne des humains. Il a fallu être efficace là où l’obligation de moyens est prioritaire sur l’obligation de résultats. Il a fallu rentrer dans des cases, des projets, des objectifs à long et court termes et surtout, surtout, rester neutre…. Pour espérer remporter un appel, une subvention… des miettes. Colère aussi parce que toutes et tous nous sommes devenus épidémiologistes en troisième langue et virologue en ouvrant un paquet surprise. Parfois, on ne sait pas et c’est encore l’affirmation la plus juste. Colère aussi et surtout parce que cette pandémie, nous en sommes toutes et tous responsables et les générations précédentes également. Cette épidémie est la partie visible de l’iceberg de la consommation et de la destruction de la biodiversité. On rira moins quand le permafrost aura complètement fondu…

QUELLE EST MA VISION DE LA CRISE ACTUELLE ?

Durant le confinement, j’y ai cru. J’ai cru à une prise de conscience générale : la situation globale n’était ni acceptable, ni vivable. Et puis, j’ai réalisé que non. Le fameux monde d’après serait en beaucoup de points identique à l’ancien. Alors ma réflexion a changé de teneur. Je n’ai pas changé de convictions ou de postulats, mais désormais je n’arrive plus à me taire. Je n’arrive plus à accepter une neutralité d’apparence. Le conflit n’est pas à éviter, c’est une donnée nécessaire à la démocratie et à toute vie de groupe. On peut dire que ma réflexion personnelle s’est radicalisée et ma colère devient une énergie plus puissante de jour en jour.

Pauline

Portrait réalisé le 18 mai 2020

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